Luce en Argentine !

mardi 26 juillet 2011

Séjour en Utopie



 Mes amis, je reviens vers vous avec cet article car ce n'est pas parce que je le décide que mes aventures se terminent.
Et je reviens avec du sang, des bêtes, et surtout avec des gosses...

Lorsque je suis revenue à Buenos Aires, je me suis emmerdée. Il aura fallut vingt cinq heures de bus et un déjeuner avec des argentins qui m'ont assommée à coup de langues bien pendues pour que je me retrouve le lendemain de mon arrivée dans la ville tant désirée clouée à mon lit.
Putain de crève. Je m'en étais un peu doutée lorsque mes yeux à demi-ouvert, réveillée par mon propre corps grelotant, j'ai pu observer le gel qui couvrait non pas l'extérieur du bus, mais bien l'intérieur de celui ci qui me transportait vers la grande ville. Moi, pauvrette avec comme seul couverture mon petit mentaux, je me doutais bien que j'allais chopper un truc pas cool.
Lundi, mardi, mercredi, jeudi : je suis malade. Je ne sers à rien, je sors uniquement pour aller voir « Ocho minutos antes de morir », traduction de « Source Code » du fils Bowie, et finalement je me retrouve bien un jour en plus au lit pour cette initiative, certes agréable, mais beaucoup trop téméraire pour mon faible état.

Heureusement, vendredi je vais mieux : je peux sortir, et même fumer quelques cigarettes. La soirée est courte, un peu naze sur la fin, et le plus étrange c'est que je me retrouve avec une grosse gueule de bois... Je crois que c'est dû au fait qu'avec beaucoup d'assurance, j'expliquais à Flora que pour tuer mes microbes, je devais boire de la vodka. Le lendemain, c'est ma voix qui a foutu le camp.
Le samedi soir : culture. Flora m'embarque à un concert d'un orchestre où se mélange astucieusement le théâtre pour former un joli spectacle où les chansons des films de Kusturica croisent les Choristes (paroles incompréhensibles quand elles sont chantaient par des espagnols) et s'achèvent joyeusement avec tout le monde qui chante avec les musiciens une chanson à la moral terriblement triste, misogyne et vraiment discutable.

La semaine continue tranquillement jusqu'au mercredi matin 6h30. Il faut que je me réveille. Flora, ma délicieuse petite Flora qui est un peu la branche sur laquelle je m'appuie depuis le début de ce voyage et qui m'a permis d'apprendre beaucoup sur ce merveilleux pays qu'est l'Argentine m'a proposé une sortie de deux jours en province de Buenos Aires. Attention, une sortie en province de Buenos Aires pour Flora a sens particulier... D'autant plus si celle-ci prend naissance dans le courant de la semaine et non durant le weekend. En gros, Flora me propose de l'accompagner dans une école alternative, pour l'aider à filmer son documentaire sur les enseignements alternatifs. Traduction : Flora m'emmène dans un camp de hippies communistes argentins. Mais chose merveilleuse du voyage, tel Jim Carrey dans « Yes, man », je prends l'aventure avec philosophie et sans préjugé.

Cette aventure commence tôt. 6h30. La veille, par bêtise, j'ai bu du maté à 5h, et mon pauvre corps trop sensible à la caféine a empêché le sommeil de me gagner... Je compense donc à mon réveil par une énergie qui se trouve seulement dans les moments où on sait que le seul moyen de ne pas dormir, c'est de faire mille choses à la fois, de over compenser son manque de sommeil par l'énergie.

Pour la première fois depuis mon arrivée en Amérique du Sud, je prends le train.
Flora me fait remarqué la terrible sonorité des voix des mecs qui vendent des objets dans les wagons. Le son est la plupart du temps proche du cris d'une chatte en chaleur au loin qui se fait prendre, et en même temps, la désarticulation de la bouche des vendeurs font qu'on ne comprends rien à ce qu'ils racontent. Il faut donc attendre que celui-co se rapproche au plus près de vous, qu'il hurle le nom du produit qui vend et qu'ensuite vous regardez dans ses mains ce qu'il propose pour qu'enfin vous arriviez à saisir le mot qu'il crie. Et naturellement, la grande majorité du temps, il vous propose un produit dont vous avez strictement rien à foutre. Mais la voix n'est pas seulement le seul moyen de vous polluer votre voyage. Vous avez le faite que les mecs se succèdent toutes les trois minutes dans votre wagon, insistent longuement pour vous faire acheter en passant trois fois, vous déposant leurs produits sur vos genoux ou sur les sièges vides.
Mais le pire, mais le pire de chez pire, c'est le mec qui vend des Cds avec des musiques MP3 dessus. La musique mainstream latina regroupe ce qu'il y a de pire au monde au niveau musical. Deux genres se distinguent de ce mauvais goût sonore : la Cubia et le reggaeton. Je ne sais pas quelle est la différence entre les deux, mais je peux vous jurer que c'est aussi dégueulasse l'un que l'autre. A chaque fois que les musiques commencent, une sorte de nausée me prend à la gorge et la seule manière de survivre est pour moi de faire abstraction de ce mauvais goût et essayer de penser aux pires chansons de pop coréennes qui sont toutes aussi dégueux dans un autre genre mais qui contre la violence sonore de la musique latine par des rythmes guimauves asiatiques. Il y a des moments où je me dis que faire se reproduire ces deux types de musiques pourrait être une chose inhumaine... Et pourtant je ne suis pas contre le métissage, mais je pense que l'on créerait un monstre sonore qui détruirait toutes formes de beauté à la musique...
Pardon, revenons à nos vendeurs de MP3. Ces horribles dealers de piètres musiques ne se contentent pas de vous proposer d'acheter le cd. Pour vous donnez un avant goût, ils déambulent, armés d'un ordinateur portable, auquel est branché des enceintes qui crachent le son poussé au volume maximal pour vous faire saigner les oreilles à n'importe quel moment de la journée, pourvu que vous soyez dans le train.
Pour nous, il est 8h du matin. Flora et moi souffrons. Le mec reste bien dix minutes dans le train, et naturellement, toutes les personnes qui nous entourent ont décidé de lui acheter un cd, ce qui fait que nous avons le droit à la musique directement dans nos oreilles. Un bonheur.

Heureusement, après avoir passées une succession de gares plus vides les unes que les autres dont la peinture et la remise à neuf n'a pas du être refaite depuis que je suis née, nous arrivons, à ce qui ne ressemble pas à une gare du tout, mais comme le train s'arrête et que les portes ne sont pas fermées et que Flora reconnaît au loin son contact sur place, on saute à terre (il n'y a pas de quai...), et nous retrouvons Carlos, près d'un 4x4 vert, qui n'a pas du tout une gueule de hippie mais plutôt le visage de « l'Idée » du paternel. Il a les cheveux grisonnants, un sourire franc, le nez rougi par le froid, et même si nous roulons dans son 4x4 sur des routes en terre défoncées sans ceinture, je me sens en sécurité.

Carlos et Flora parlent de choses à l'avant que je ne comprends pas forcement puisque ils se connaissent déjà et que moi je comprends rien au social, et que je ne veux pas montrer mon ignorance et ne veux pas y prendre part.

Le chemin de terre que nous empruntons a de plus en plus de trous, et moins d'espace pour qu'une autre voiture puisse arriver en face. Mais ce cas là ne se présente pas.

Nous passons une ancienne école, aux jolis locaux qui est complétement fermée alors que nous sommes un mercredi en semaine. On m'explique qu'elle n'ait plus en fonction depuis 10 ans. On la passe, et très peu de temps après, nous arrivons à Rucca Hueney, lycée agricole.
Notre gentil Carlos nous fait faire le tour de toute la ferme et nous présente aux gamins. C'est en règle générale des pré-ados ou des ados complétements et à chaque fois qu'ils nous croisent, ils nous font la bise à l'Argentine, une seule, de manière très taciturne. Les enfants sont un peu gênés, ne veulent pas montrer trop d'intérêts mais sont polis.
Après avoir découvert les différents lieux clés : les classes de cours, les enclos à poulets, ceux des cochons, des vaches, le potager, on décide de s'armer de la caméra et de partir à la chasse aux images.
Je suis complétement excitée par le potentiel magique du lieu car à notre arrivée, un jeune éducateur, portant bottes caoutchoucs et gros tablier de boucher, déplumait les poulets avec une machine automatique, et je rêvais déjà de filmer la lumière traversant la pièce éclairant les milliers de plumes volantes autour de lui...

La caméra sortie, les gamins réagissent comme à un aimant à celle : il y a ceux qui s'approchent, veulent la porter ou passer devant pour dire de la merde, et les autres qui au contraire, vont soigneusement nous éviter et être très hostiles à voir l'objectif braqué sur eux.
Les futurs acteurs en herbe, ou au moins présentateurs de télé nous font découvrir toute la ferme et nous expliquent comment tuer un poulet : ils nous refont avec les têtes laissées à terre une vague imitation du résultat surtout pour que l'on puisse filmer la tête du pauvre poulet égorgé tomber au sol.
Ils nous montrent le potager, où les uns arrachent les petits pousses de leurs pots et moi, je balise sur le fait que l'on est en train de les aider à foutre le bordel, mais les gamins me rassurent en rempotant avec autant de violence qu'ils avaient sorti les plantes de terre. On est entouré de bien dix enfants, qui sont fiers de nous montrer leur travail, qui ne sont pas réellement sauvages et qui nous posent des questions, qui se foutent de ma gueule parce que je parle pas bien espagnol et qui font absolument ce qu'ils veulent dans la ferme mais ça ne semble pas poser de problème...

Les enseignants aussi se mettent en scène. Ils décident de tuer un cochon. Bon peut être qu'ils devaient tuer ce cochon, mais le moment était tellement théâtral que je ne peux imaginer que c'est quelque chose de tous les jours...
Tout la ferme à pour but de rendre possible l'autogérence de l'école sans demander des subventions ou des aides à l'état à fin d'être indépendants. Ce qui fait que les professeurs ne sont pas payer pour leur travail... Mais que toute la bouffe vient de la ferme, et ce qu'ils vendent cela permet de payer les petits trucs qu'ils ne peuvent pas produire sur place. En même temps, les gosses apprennent les principes de gestion et la manière de devenir agriculteurs.
On ne voit pas la mise à mort du cochon, nous filmons au même moment les enfants nous raconter la découpe du poulet, mais putain, on l'a entendu. Le grognement de celui-ci à sa mise à mort sert le cœur, même en faisant abstraction du coté « c'est horrible » parce que l'on est entouré d'enfants qui voient ça tous les jours et que l'on veut être des filles fortes pas citadines (et surtout Flora elle vient quand même de la montagne), le crie nous rappelle que la bête est en train de mourir et que ce n'est pas facile pour personne.
Lorsqu'on arrive fasse à l'énorme corps du cochon étalé sur la remorque qui le transporte, il a encore quelques soubresauts et le sang coule doucement de sa jugulaire. Mais le romantisme agricole me reprend : la flaque rubis sur le sol scintille grâce à la lumière de l'hiver, derrière le cochon un chaudron fume de l'eau bouillante qui servira à enlever la peau de la bestiole et les rayons qui traversent le nuage donne une atmosphère féerique à ce moment alors que mon sang était glacé quelques minutes avant. Un enfant s'occupe de retirer la peau, l'enseignant asperge l'eau avant que le couteau glisse sur le corps et les oreilles bougent tranquillement en cadence avec les coups de couteau.
Lorsque la tête du cochon est suspendu et que la découpe de la viande commence, les enfants se tapent des grosses barres et joue un peu avec. Je me dis que c'est simplement horrible parce que je pense que c'est horrible et que les gosses ne rigolent pas de manière noir du cochon, mais de façon innocente, et avec une légère retenue mais comme une forme de libération, Flora et moi, caméra sur la tête de la bestiole, on rie avec eux.

Lors du déjeuner, petits haricots blancs, carottes et toutes les parties du poulets, cuisinés au feu de bois dans une énorme marmite.. Les enfants s'échangent la bouffe car bien sur il n'y a que ça à manger et il y a ceux qui n'aiment pas les carottes, donc ils se font chier à les trier pour les échanger avec ceux qui n'aiment pas les haricots blancs et un gamin fait des blagues sur le faite que l'on va tous péter l'après-midi. A ce moment là, je discute avec une gamine qui avait assez mal réagi à l'arrivée de la caméra dans ses activités. Elle m'explique qu'elle préfère être derrière celle-ci et on discute sur les différents enseignements dans l'école. Je regrette de ne pas rester plus longtemps dans l'école et je me rends compte de la nécessité qu'il y a aujourd'hui d'éduquer les enfants sur l'image en général. Comment appréhender l'objectif scrutateur d'un appareil, comprendre quels sont les limites, les droits de ses appareils sur nous, comment l'image peut être utilisée ou encore comment ne pas avoir peur de celle-ci.

L'après-midi nous allons dans une des salles de classe, celle d'histoire. C'est un bordel assez conséquent sachant que les gamins ne sont pas plus de dix dans la salle, et qu'ils doivent être 3 à écouter. Notre présence n'aide pas à la tranquillité de celle-ci. Les enfants grimacent à la caméra quand ils voient que l'objectif les braque. Les deux uniques filles nous montrent des images à la con de chats sur leurs portables, et le prof tente de raconter un peu aux gamins ce qu'est l'Égypte antique. Mais au final, je réalise qu'ils en savent plus que moi. Un des gamins qui semble être un petit macho en herbe, se trimbalait d'un bout à l'autre de la salle qui n'est pas grande, l'entre jambe braquait en avant. Un enfant avait sa table tourner de de trois quart du tableau et était délibérément face à la fenêtre ou dans le coin, je n'ai pas trouvé de réponse, mais je crois qu'il n'y pas vraiment de châtiments dans cette école et je suis heureuse de m'assoir dans une salle de cours, comme ça un peu par hasard et de ne jamais avoir à y retourner pour du long terme...

On salue les enfants en fin de journée, Carlos nous récupère et nous amène avec sa femme et une jeune suisse qui travaille sur place pour sa thèse, dans un camps de réfugiés paraguayens. Ils travaillent à la mise en place d'un centre culturel pour aider l'accès au soin et à l'organisation d'activités culturels dans le quartier.
Nous arrivons dans cet endroit dans lequel on aurait jamais mis les pieds si on nous y avait pas amener et on se retrouve avec des amis de Carlos et sa femme à boire maté dans ce qui est une maison en brique qui a du être faite par ses propriétaires. Elle est tristement peinte mais beaucoup moins pire que ce que l'on peut imaginer lorsque des mots comme favelas, villas ou camps de réfugiés peuvent apporter comme image. Ils nous parlent des anniversaires, de leur vie normal et je suis touchée par l'absence de comportement misérabilisme de ces personnes. Les deux filles de la familles sont belles, j'ai envie de croquer dans leurs petites jours brunes et charnues et elles nous amènent visiter la salle culturelle et le quartier.
Quand j'arrive devant la grande habitation, je demande à Carlos si c'est une église. Il rigole et me dit que ça ressemble mais que non. Lorsque l'on rentre, pourtant, il y a des vierges et des petits autels poser sur des tables en plastique au fond de la salle. Le travail du lieu est beau : la charpente est visible au plafond, il fait bon et la pièce est baignée par une légère odeur de bois.
On est suivi par quinze chiens quand on se balade dans le quartier qui aboient aux chiens enfermés dans les habitation, et comme toutes les maisons sont construites par leurs propriétaires, on peut voir qui a fait preuve de créativité dans la construction, et ceux qui n'ont pas eu le temps. Les égouts sont à ciel ouvert et les chiens boivent dedans, les lignes électriques sont directement tendues depuis les poteaux et des fois aussi tombent dans les égouts, mais je trouve que c'est plus un quartier en devenir que le reflet de la misère. Je me ôte très rapidement cette idée de la tête lorsque l'on me parle des drogues qui sévissent dans ces lieux.

Nous rentrons chez Carlos qui nous loge et on passe un charmant diner en leur compagnie, doucement politique mais pas dans les extrêmes, tranquille, et au rythme de la ferme, nous nous couchons à 9h après éclatées par la journée.

Le lendemain nous allons dans l'autre école réservée au plus jeune, équivalant de notre primaire. Je me sens un peu moins à l'aise. Le temps est grisâtre et malgré le nombre plus élevé d'enseignants, c'est un peu plus le bordel. Les enfants sont plus jeunes, ils demandent beaucoup d'affection, viennent pour des câlins et pour te parler. Je trouve ça mignon, puis je me souviens que la dernière fois c'est comme ça que j'ai réussi à attraper des poux, j'éloigne un peu ma tête des enfants. On interview les éducateurs, cela m'intéresse moins, c'est plus idéologique, plus sur l'enseignement moins pratique que la ferme. Je laisse un peu Flora se débrouiller toute seule, et j'en profite pour jouer avec les garçons au babyfoot qui au début croient que je suis nulle et après ne veulent plus me laisser partir....
Les enfants sont aimants, intéressés, drôles. Je pense qu'ils ont la chance d'être ici. Le terrain a été squatter l'équipe et aujourd'hui leur appartiennent, et les jeunes sont donc en pleine nature à gambader dans ce lieu qui n'est pas fermé.

A midi on mange un plat absurde de patates, pattes, sauce bolonaise mélangés avec des lentilles. Mais c'est bon, et même meilleur que mes repas au Restaurant Universtaire.

On assiste au cours d'histoire avec les plus vieux, et le professeur devient mon futur mari. Il montre un film sur l'histoire pré-colombienne qui me fait dire que je ne connais strictement rien à l'histoire des autres continents et ensuite parle de notions et réalités de guerre et paix, et la manière dont il a de parler de ces deux idées et les avancer aux enfants, fait que Flora et moi sommes plus attentives et fascinées que les enfants. Le cours se termine sur du dessin pour illustrer cette idée. Et comme j'ai honte de celui ci que j'ai fait, je le transforme en une cocotte que je donne à une fille, que j'ai cru que c'était un garçons et avant que c'était une fille.

L'heure du départ arrive enfin. Je commence à vraiment être fatiguée de ces deux jours. Tant d'énergie dépensée pour essayer de donner à chaque enfant qui le désir, être sensible aux émotions de chacun pour que le tournage ne soit pas traumatisant, et en même temps faire semblant de comprendre tout ce qui se passe en espagnol, ont été de gros efforts pour moi.

Estela, la femme qui était un peu notre référente sur place nous propose de nous ramener. Avant cela, elle décide de nous montrer le tag représentatif de tout leur travail dans le coin, dans le centre de la ville qui se nomme assez justement Fraternidad.
Pour notre balade, Louis nous accompagne. Louis est un petit garçon qui dit avoir 10 ans mais qui semble en avoir 8. Il a les cheveux clairs, ainsi que sa peau et ses yeux. Mes de grosses taches d'encre lui noircissent le visage et les oreilles. Estela le taquine en lui disant qu'il s'est peint lui même, il réagit en se frottant une fois le visage et en relaissant tomber ses bras en avant. Il marche la tête baissé mais avec le regard vif et combatif. Il répond à mes questions en se demandant pourquoi je prends la peine de les poser vu qu'il en a rien à foutre et en plus on est des adultes. C'est comme si on était juste un bonne raison de sortir de l'école, rien de plus. Sinon on est des adultes : êtres peu intéressants.

Un petit gavroche rêveur, un peu plus morveux, avec un pull qui descend 10 centimètre au dessous de ses doigts. Quand on l'interpelle parce qu'il marche dans la mauvaise direction, il semble revenir sur terre et avoir complétement oublié notre existence pendant quelques secondes. Il est fascinant et en même temps on a envie de le secouer pour le rendre attentif.
On arrive a la place avec le tag que je ne comprends pas. Flora fait quelques plans, et je ne sais si c'est par fait exprès Louis s'assoie contre le mur, et nous offre son visage le plus blasé et effronté à la camera. Je ne sais pas s'il pose mais je le trouve génial, et décide que c'est mon enfant préféré de la journée.

On nous montre une classe pour mamans et adolescents, on discute avec des femmes du coins à un coin de rue. L'une d'entre elles est une jeune maman, elle doit avoir 5 ou 6 ans moins que nous. Sa propre mère fait part des ses inquiétudes pour son fils. Elle dit qu'elle est plus confiante envers la sécurité de sa fille, que la seule chose qui peut arriver c'est ça. Elle montre sa fille, son bébé dans les bras. Flora et moi retenons nos élans féministes à ce moment là. Et nous allons ensuite attendre notre train sur le quai.

Avec la même nonchalance, j'observe du coin de l'œil Louis qui se balade tout près du bord du quai. Puis après l'avoir bien observé, à mon grand désespoir, le gosse plie ses petits genoux et s'assoie. En regardant au loin la lumière du train qui glisse dans notre direction, certes lentement mais sûrement, je lâche un « Louis... », sachant désespérément que je n'ai aucune autorité sur cette esprit enfantin et libre. Estala, sentant mon mal être, avec sa douce manière de donner des conseilles qu'on ne peut que suivre lui dit : «  Tu sais Louis, la plupart du temps, quand il y a une lumière sur les railles, souvent il y a un train... », et très lentement, le gamin se lève et se pose plus loin. Je souffle un grand coup.
Le train s'arrête devant nous. Nous saluons tout le monde et tranquillement nous repartons vers Buenos Aires, capitale. Notre voyage sera accompagné d'un horrible vendeur, qui, comme un fait exprès ne vendra que des Cds de musique pour enfants...

Vous trouverez le regard de Flora sur cette journée sur son blog :