Luce en Argentine !

mardi 17 mai 2011

Llegeda en Argentina



Je n'ai pas appréhendé mon voyage. Ceci a peut être été l'erreur que je n'aurais pas du faire. Être trop confiante.
Je suis partie en fin de journée en direction de Buenos Aires. Mais avant d'atteindre ma destination, il a fallut que je fasse escale à Madrid. Madrid la pilule. Intempérie sur la ville, l'avion a bien une heure de retard. Les boules. Tous les passagers de l'avion sont sur les nerfs. Et lorsque nous arrivons à Madrid, un couple de vieux français et moi se retrouvons dans l'embarras. Personne nous donne de vrai conseil à la sortie de l'avion. Et on doit à nouveau passer la douane, non pas pour la sécurité du pays comme c'était le cas à Moscou, mais pour cause de mauvaises indications. On arrive à la porte d'embarquement indiquée par les écrans de départ. Personne.
Je me décide à jeter un coup d'œil plus loin. Rien. Excepté deux jeunes mecs qui parlent français. « Vous étiez sur le vol Paris-Madrid » Leur demandai-je sans transition dans leur discussion. Ils sourient, et me disent que oui. Que les sandwichs dans leurs mains sont offert par la compagnie, et je me retrouve à aller dans la direction qu'ils m'indiquent où je vois le comptoir à sandwichs. Mais tous comptes faits, je retourne voir mes petits vieux, et je les préviens.
Une fois prévenus, le sandwich à la main, je retourne voir les jeunes français qui comme moi mourraient d'envie de fumer une cigarette. On sort de l'aéroport pour cloper un peu avant nos douze heures de vol, et pour la troisième fois de la journée, je repasse la douane.
Ce n'est pas un exercice facile : j'enlève chaussures, ceintures, ordinateur de mon sac. En gros : c'est même plutôt la merde. Qu'importe, mon plein de nicotine est fait. Nous revenons vers notre avion, et réalisons qu'il a été avancé, et lorsque l'on est dans le bus qui nous amène pour embarquer, on est presque seul. On appréhende un peu un lynchage publique. Heureusement, non seulement les gens ne nous en veulent pas, mais en plus, il a de la place et on peut dormir sur deux ou trois places.
Mais comme je ne suis pas très maline, je m'endors sur mon unique fauteuil, et une heure après m'être endormie, je me réveille, dans l'espoir de m'étirer et de pouvoir usiter ma seconde place, mais quel désarrois ! Ma voisine s'est allongée sur trois place, dont une qui est censée être la mienne. Je râle intérieurement, et je fais du léger forcing en prenant de la place sur l'accoudoir juste au dessus de sa tête. Plus tard elle me laissera gentiment la moitié du fauteuil.
Ma nuit se passe tranquillement, et au réveil, nous reprenons nos discussions entre français.
L'un est J-Lou, un ingénieur informaticien qui pourrait être n'importe qui mais qui se révèle être le geek parfait qui s'est fait emmerder un peu trop dans sa jeunesse et qui peut se transformer en incroyable Hulk... Il rougit facilement quand il parle, mais à côté de ça, il nous explique comment il a fait passer régulièrement de la drogue dans ses ordinateurs portables... Oui, le geek est décidement hype aujourd'hui.
Le deuxième français est surnommé Rapha, c'est lui qui se présente ainsi. Sa dégaine est plus provoc : il a les cheveux un peu plus longs sur le dessus du crâne et il porte des chaussures un peu montantes. Il est le mélange parfait du gamin et du bobo parisien. Les flics de la douane de Madrid l'ont pris pour un Roumain, pour vous donner une idée de la déguaine.

Notre arrivée à Buenos Aires. C'est d'abord une longue queue pour passer la douane qui finalement passe juste nos sacs à des rayons X alors que j'avais angoissé après avoir marqué que j'avais ramené du fromage sur un bout de papier administratif et je m'attendais à devoir ouvrir tout mon sac pour leur faire sentir ce que c'est d'être français. Mes compagnons ont la même chose dans leur sac mais n'ont pas pris la peine de le marquer pour éviter les ennuis... Je suis déçue de ne pas avoir un gros choc culturel à la douane, mais je suis contente de ne pas y rester des heures.

Par contre grande surprise : les guichets de banque sont vides, et heureusement que pour une fois je me balade avec des euros sur moi, sinon je me serais retrouver bloquée à l'aéroport sans un pesos en poche ! Je prends un taxi qui m'emmène directement chez Flora, j'arrive presque à lui dire « 1537 » en espagnol, mais j'abdique avant la fin pour finalement lui tendre mon petit carnet dans lequel est marqué l'adresse. Je sonne, et la petite Flora coure pour m'ouvrir et j'entre dans ce qui est un des plus grands appartements que j'ai vu ces derniers temps.
C'est presque une maison composée autour d'une cour qui se transforme en balcon. Il y a une première pièce, le salon, dans lequel est entreposé tableaux, guitares et autres instruments et qui va être ma chambre. La deuxième, c'est la chambre de Rebecca, la colocataire de Flora, puis il y a une immense cuisine / salle à manger. A l'étage, il y a une grande terrasse à l'argentine qui donne sur les toits et la petite chambre que se partage Flora et son copain Ramiro.
La baraque est charmante et pleine de potentiel, mais comme les jeunes gens viennent tout juste de s'installer, c'est un peu vide.

Lors de cette première journée à Buenos Aires, Flora et moi se baladons dans les environs de sa petite habitation. Je suis étonnée parce que la ville m'en rappelle une autre de manière étrange : Bucarest. Bien sur, quand on imagine la ville détruite par Ceausescu, on a du mal à imaginer le point commun avec Buenos Aires, mais la capitale roumaine a également de jolis boulevards où de nombreuses vielles baraques croulantes côtoient de nouveaux buildings sans âme des années 80... C'est un peu cette ambiance que je retrouve dans les ruelles de Buenos Aires. Il n'y a pas de boutiques pour faire du shopping que l'on retrouve dans toutes les villes du monde « développées » du type Zara ou H&M, mais des magasins de tissus, de cuirs plus pour artisans ou pour les personnes qui sont capables de faire leurs propres travaux. Les immeubles sont joliment colorés de couleurs passées. On se balade dans un parc entouré de personnes qui vendent des produits de deuxièmes main, de petits bibelots artisanaux. A l'intérieur les gens sont posés tranquillement en train de boire du Maté, une sorte de thé plus fort que les gens se partagent et reremplissent avec des thermos... Près du parc, un groupe de rock dont le nom est dérivé de Metallica joue de la musique bien brutale et un autre petit marché l'entoure également.

Le lendemain, nous partons dans un des endroits les plus touristiques de Buenos Aires pour une balade et un peu de shopping dans la Ferria de San Telmo. Nous prenons le métro qui ressemble enfin à un métro parisien. Celui-ci est étroit, coloré de couleurs plus ou moins criardes et de fresques absurdes.
La ferria, c'est un peu un cliché de ce que l'on peut avoir de l'Argentine. La foire est une grande rue piétonne où les gens ont installé des stands afin d'y vendre mille et un produit artisanaux, il y de la musique et des danseurs de tango n'importent où.
Pour avoir une idée plus ou moins de l'ambiance , il faut imaginer un marché dans la fin des années 70 et 80, un étrange mélange de vendeurs hippies et indiens (d'origine d'Amérique latine) et tout cet univers plongé dans magnifique mélancolie.
J'en profite pour acheter un pull, Flora, un tee-shirt.

Le début de la semaine se passe tranquillement : je sors autour de chez Flora et vers le centre. Mais très vite mercredi, je sens que je suis bloquée. Mes recherches n'avancent pas, je suis beaucoup trop bloquée par la langue. Je prends une grande décision : je vais retourner à l'école, et prendre des cours d'espagnol. Cela fait plus de cinq ans que je n'ai pas pris un cours d'espagnol.
Ma dernière expérience, c'était avec Mme Balanda. Elle aurait pu sortir d'un film d'Almodovar. Ce n'était pas tant son physique avec son nez immense ou sa profession, c'était plus pour son côté hystérique qui la rendait tout à fait capable d'interpréter un second rôle dans « Femmes aux bords de la crise de nerf ». Elle avait réussi, lors de mon premier cours de toute l'année de seconde à m'humilier devant toute la classe en me demandant d'écrire au tableau les pronoms personnels... Chose, qui à la rentrée des classes, étaient fort impossible de trouver pour mon cerveau vidé par deux mois d'été. A partir de ce jour là, j'ai pris la grande décision de détester l'espagnol. Cette haine nouvelle se terminera par un rejet quasi-définitif de la langue et son remplacement par ma langue morte : le latin. Je ne sais pas si ça a été un bon paris sachant que ma note finale ne sera qu'un pauvre 8/20, et que toutes les personnes que je connais qui ont passé l'espagnol au bac cette année-là, m'ont dit que c'était le texte le plus facile de leur vie...
Enfin bref, je trouve une école dans le centre de Buenos Aires, et lundi prochain, c'est mon revival de Buenos Aires.

Après cette décision, les choses vont mieux. Je me sens habiter par une nouvelle mission et Flora et Rebecca ont un peu plus de temps pour elles, et en l'occurrence pour me voir, moi.

Jeudi soir, nous allons dans un bar où il y a des chants de tango. Un peu plus tôt dans la soirée, en apéritif, Flora et moi buvons un peu de vin argentin que je n'avais pas encore goûter auparavant. Il est bon, et on se boit une bonne demi-bouteille à nous deux. Lorsque nous arrivons au bar, seul un couple est déjà assis et prêt de lui un groupe d'hommes de tous âges qui joue aux cartes en parlant fort. Ils sont tellement pittoresque que je rêve de les prendre en photo mais n'ose pas sortir mon appareil de crainte de les offusquer.
On recommande du vin. On sent qu'être à jeun est une très mauvaise idée, on commande également une petite assiette de charcuterie-fromage. Malheureusement, l'effet attendu, qui est être repu et nous remettre l'esprit sur terre qui commence à divaguer grâce à l'alcool, ne fonctionne pas. Je commence à me sentir ivre gentiment. On recommande une assiette. Flora parle avec une ex-camarade de classe et moi, de mon côté, je discute avec Rebecca.
A un moment, je ne peux plus supporter l'ivresse, on décide de partir. J'arrive à demander ma première cigarette en espagnol, Flora rencontre un camarade de classe d'Aline, et Rebecca commence en avoir marre de nous attendre. Dans le bus nous nous comportons comme de bonnes personnes bourrées à l'étranger, on entonne quelques chansonnettes, particulièrement du Joe Dassin.
On continue à chanter dans les couloirs avant de rentrer chez Flora et on offre un pathétique tableau à Ramiro qui n'est pas seul. Il est avec un camarade de classe, un américain installé depuis quelques années en Argentine. Les jeunes hommes me disent qu'ils kiffent la musique qui est sur mon MP3, et c'est pas souvent que ça arrive. Je pense que le fait qu'ils ne connaissent pas Joe Dassin et mes autres chanteurs de variété française a joué en ma faveur. Je fais une petite démo de mes grandes capacités linguistique en anglais, et je vais me coucher parce que quand même le vin me fait mal au crâne.

Il est environs 7-8 heures du matin quand dans la chambre rentre l'américain. Il se couche par terre, parce que nous n'avons pas trop de matelas et que sur le hamac, dehors, il fait bien trop froid. Comme son arrivée m'a réveillé, ce dernier commence à me taper la discussion. Il me raconte sa passion pour la psychanalyse, son amour pour Woody Allen, et me fait une démonstration sa capacité à blablater de la même manière que le réalisateur en question. En liant problème psychologique un n'importe quel problème humain que nous résoudrons la plus part du temps par un simple « on s'en fou », le jeune homme me fait rire, et un moment me sort de but en blanc :

Lui : Do you feel the sexual tension there is in the room ?

Moi : Heu... (grand moment de doute de compréhension) What ?!... No...

Mais maintenant qu'il en parle, c'est sur qu'il y a une tension.

Moi : If there is, it's a weird and stupid way to get girls. Even more stupid when they are a litlle bit hangover and when it's 7 o'clock of the morning.

Il continue son blabla genre sans vraiment trop réagir à ma remarque. Moi, définitivement à ce moment là, je me demande ce qu'il va se passer.
Puis le jeune homme craque, se dit que tout de même, même si j'ai un une moitié de lit, c'est toujours une moitié lit à partager, et on se retrouve donc avec un quart de lit par personne, et la nuit/matin est beaucoup moins sexuelle qu'il avait essayer de me vendre.
C'est donc comme ceci que commence l'aventure la plus étrange de ma vie. Il faut dire que je pécho rarement les hommes à mon levé. Cette histoire ne va se dérouler qu'entre 5 et 10 du matin, quand le jeune homme se couche après avoir réviser avec le mec de Flora.
La situation est à son paroxysme d'absurdité quand le premier matin, je réalise qu'après avoir passer quand même de longues heures à discuter, et connaître des choses assez intimes du jeune homme, je n'ai pas pensé une seconde à demander son prénom. Ça m'était déjà arrivé de pas me souvenir du prénom d'un amant, mais ça ne m'était encore jamais arrivé de ne pas le demander...
Petite question détournée à Flora, petite rougeur à ce moment là, et naturellement toute la baraque qui est déjà remplie de couple s'encombre en plus de cette histoire. Heureusement que la maison est grande.
Bon, mon weekend ne se résume pas uniquement à cette petite liaison, vu que Charlie (c'est son nom) passe ses journées à dormir et la nuit à bosser.
Vendredi soir, nous avons tant bien que mal assister au diner de l'association de Flora malgré la fatigue de la veille.
Avec Flora nous nous baladons pendant la journée de samedi dans une autre partie de Buenos Aires autour de chez elle. On est l'une et l'autre d'accord pour dire que le coin où ils vivent est quand même super agréable. Le soir, sur la gigantesque terrasse, Ramiro nous fait découvrir ses talents de cuistot et nous fait une vraie asado (barbecue argentin) sur la terrasse.
Le dimanche, on se lève tôt et on va à une nouvelle Ferria plus excentrée, avec moins de touristes, plus de locaux. Les produits artisanaux sont moins chers donc on se fait plaisir et on achète du fromage et de la charcuterie pour avoir une planche à découper.
Au milieu de la foire, j'assiste, fascinée, à un des plus merveilleux événements populaires de toute ma vie : sur une scène, de jeunes gens effectuent des chorégraphies d'une autre époque des régions du nord de l'Argentine. Je suis fascinée par une des jeunes danseuses qui, à elle seule, par sa fraicheur et sa beauté, rend le spectacle joviale et sensuelle. C'est des danses qui s'effectuent par couples, où tous se croisent et se décroisent. Les hommes portent de gros pantalons bouffants et des vestes hautes qui leurs donnent des carrures esthétiques quand ils tourbillonnent et les jeunes femmes ont des robes remontées par leurs mains qui laissent entrapercevoir leurs sous-vêtement par moment quand elles tournent. C'est presque un spectacle érotique.
Mais ce qui finalement retient plus le souffle du spectateur lambda et qui donne à tous envie de participer au festivité, c'est en face de la scène, de nombreux couples de personnes d'un certain âge, habillés pour l'occasion avec de beaux costumes traditionnels et qui virevoltent entre le public. Les couples de retraités se charment en dansant comme s'ils avaient quinze ans, des vielles dames dansent comme des folles ensembles, et chacun s'amuse à se regarder, à danser. Il est deux heures de l'après-midi et j'ai l'impression d'être dans une fête d'un village reculé, alors que je suis sur la bordure de Buenos Aires et des bidonvilles.

A la fin du weekend, Charlie et Ramiro après une dernière nuit blanche vont à leur examen, Flora va au boulot, Rebecca travaille à la maison et moi je vais à ma première journée de cours d'espagnol pas très reposée.

La musique dans les oreilles, direction le métro sur-bondé en passant devant les magasins qui ouvrent tranquillement, un weekend des plus étranges dans les pattes, j'ai l'impression de réellement commencer mon séjour en Argentine.







Des petits mots en plus :
Mon grand-père est décédé aujourd'hui.
Je suis trop loin pour porter la peine avec les proches qui sont touchés par sa perte, mais sachez, tous, que je pense à vous et j'espère que même de loin vous sentirez ce soutien.
J'aurais aimé savoir plus de son histoire même si c'était difficile d'avoir des réponses cohérentes, je crois que j'ai apprécié le chaos de son esprit des dernières années qui m'amenais des souvenirs en aléatoire. J'espère un jour pouvoir trouver le fil conducteur pour les raconter.

vendredi 6 mai 2011

Süße Leben


La première fois où j'ai mis les pieds à Berlin, c'était il y a quasiment un an. Chose rigolote, c'était surement mon dernier voyage scolaire puisque je ne compte pas vraiment remettre les pieds dans une salle de classe.
Lors de mon premier voyage, j'avais découvert un Berlin proche de mes fantasmes : nous étions sur place pour découvrir le marché du film des Berlinales, et avec les joyeux gai-lurons de ma promotion nous découvrions en parallèle la vie nocturne berlinoise. Nous assistions donc aux conférences complétement morts par nos virées et petit à petit, la limite entre le plaisir de ces nuits et les découvertes des personnes fascinantes lors de nos interventions ont créé une sorte de souvenir de professionelo-plaisir que j'aime tant dans l'audiovisuel. Et ma mémoire rajoute à toutes ces activités les décors froids des bâtiments communistes de l'Est et la neige sur toute la ville qui n'arrête jamais de tomber.

Une même ville peut être tellement différente par rapport aux périodex où on la découvre.
Il fait chaud dans le Berlin où j'arrive. Lucie et moi, après de multiples coups de téléphone, nous nous retrouvons dans le Sbahno en direction la colocation de Raphael. Ce dernier ne nous y attend pas : il a trouvé un petit boulot pour deux jours, de quoi se faire un peu pognon pour la durée de notre séjour. Il est serveur dans un bar, et c'est Benjamin, « Beng » qui nous accueille, son coloc' Lui, c'est quasiment 20h qu'il bosse durant deux grosses journées pour que le reste de la semaine soit un long weekend. La vie berlinoise se prend tranquillement, le travailler plus pour gagner plus est une aberration ultime : la vie n'est pas cher, pourquoi donc se gâcher son temps libre à essayer d'avoir plus d'argent alors qu'on en a pas besoin ? C'est Dolce Vita version allemande : süße Leben

Le petit Raphael finit tout de même par arriver, et je suis heureuse de retrouver mes amis pas vus depuis tant de temps... Cependant, j'ai eu une de mes plus longues journée avec 15h d'avion dans les pattes et le décalage horaire qui me décalque le crâne. Je me couche tôt.
Je ne me réveille pas en plein de milieu de la nuit, mais à une heure correcte du matin : 10h30. Raphaël est reparti bosser, et Lucie ronque comme un petit bébé. Lorsque cette dernière se lève, nous profitons du temps doux, et nous allons nous prélasser en terrasse où l'on peut avoir des brunchs pour moins de 4€.
Nous retrouvons ensuite Benjamin sur les bords de la Spree, et nous buvons quelques bières au soleil. Nous sommes tous les trois allongés sur l'herbe : nous représentons presque un moment bucolique en mode 21e siècle avec des gros buildings inachevés en arrière plan, des grosses cheminées d'un temps passé en face et nos bières à la main. Je suis sûre qu'un jour nous trouverons ce genre de comportement ultra rétro comme si on regarde un tableau de Monet.
Pendant ce temps où nous ne faisons rien, Raphael trime comme un bâtard dans son restau.

Notre samedi soir commence tranquillement. Je retrouve Léo, qui arrive non pas avec un ami, non pas avec deux amis ni avec trois, mais avec cinq de ses potes. On prend l'apéro ensemble chez Raph, puis les choses sérieuses commencent à prendre forme. Raphael a envie de nous montrer son endroit de prédilection pour la nuit berlinoise : le Bergheim.
Depuis que nous sommes arrivées, la veille, et depuis que Raphael vit à Berlin, ce nom résonne à mes oreilles comme un lieu plein de promesses. Il semble à lui seul réunir tous les fantasmes de la vie underground berlinoise. Et comme si ce lieu ne devait finalement que rester un univers de rêve, lorsque nous commençons à faire la queue pour rentrer à l'intérieur, tous nous préviennent que ça ne va pas être simple : nous sommes cinq, c'est impossible que l'on rentre si nombreux d'un coup. Les vigiles, l'un tatoué d'une toile d'araignée sur la gueule, l'autre qui a vraiment pas besoin d'un tatouage pour faire peur jouent à fond le côté select : ils leur arrivent de désigner une personne dans un groupe pour rentrer afin de vraiment tester la motivation de clients, ou même de ne pas faire rentrer des filles... Les règles sont incompréhensibles pour nous français, mais peut être qu'elles répondent au hype berlinois... Vu notre côté français, Raph nous conseille de fermer notre gueule, parce que les berlinois n'aiment pas trop voir leurs lieux se faire envahir par les touristes. On hésite même à se diviser en deux groupes. Mais dans tout ce doute, on a un joker : Lizelotte, de son vrai nom Morella mais surnommée ainsi par Lucie incapable de se souvenir de son nom. La jeune femme n'a jamais pas pu rentrer au Bergheim. Et elle nous dit clairement qu'elle ne compte pas que ça lui arrive ce soir.
Et finalement plus la file devant nous diminue, plus on la joue en mode Macdonald : on est arrivé comme on est. On n'a pas fermé notre gueule, on a dit que l'on était 5. Les vigiles se sont tapés une barre, et nous ont laissé passer. Un sourire béat se dessinait petit à petit sur nos lèvres. L'horrible nénette qui s'est occupée de fouiller mon sac et qui me parlait comme à un chien ne m'a pas fait redescendre de ce petit nuage, et lorsque menteaux et sacs se sont retrouvés dans les vestiaires, notre petit groupe été comme touché par la grâce. Oui, on a réussi à passer une porte.

Notre petit Raphael est le plus enchanté de tous. Il se décide à nous faire une visite guidée, à Lucie et à moi de la boite. C'est une ancienne usine, trois étages aux plafonds gigantesques, divisent le lieu. Le rez-chaussée, une première piste de danse et une seconde. Nous montons un premier escalier, nous longeons un couloir où des plate-formes balançoires permettent aux gens de se poser et de s'allonger, le bar prend la relève et chose étonnante : celui-ci n'est pas envahit de monde. Nous arrivons ensuite devant la scène où du gros son craché par les enceintes fait danser les individus qui semblent tous transporter ailleurs par la musique. Nous traversons la foule peu dense à cette heure-ci de la nuit : les soirées ne se termine pas avant le lundi matin. Le moment où le lieu est le plus rempli : 7h-8h, le dimanche matin. En fin de piste, les hommes sont de plus en plus torses nus, et de temps en temps rhabillés par de grosses chaines en métal qui soulignent leurs muscles. Ils s'engouffrent seuls ou à plusieurs dans les toilettes. Raph : « Si vous avez envie de pisser, vous pouvez aller là, ya jamais trop de monde vu que c'est le coin des gays... en plus comme vous êtes des nanas, vous n'allez pas être emmerdées». C'est le monde à l'envers, on apprécie l'attention, et comme pour illustrer le propos de Raph, on voit un groupe de quatre mecs se dirigeant ensemble vers les toilettes.
On monte des escaliers qui nous amène dans la « salle fumeur ». En soit, tu peux fumer partout, mais on va dire que c'est l'endroit officiel, et celui-ci à pour lui de grosses fenêtres qui donnent sur la ville. On se promet de revenir au petit jour à cette endroit. On découvre également un nouvel endroit pour « chiller », avec de nombreux canapés où les gens sont allongés et prennent une pause loin du gros son des enceintes. On arrive à la deuxième salle : le son est plus mainstream, la lumière plus forte, et les gens plus branchouilles. Jusqu'à maintenant j'avais aimé le côté underground du lieu, mais là, c'était comme si l'endroit avait vendu une partie de son âme, une des pièces, pour récupérer la crème de la nuit berlinoise... Je me décide à détester cette partie de la boîte .

La nuit se décompose de moments dans la grande salle où la musique nous transporte doucement, puis de longs chemins pour atteindre les toilettes, les bars, retrouver des gens, nous avons l'impression d'évoluer dans « Smack My Bitch Up » et de grands moments de chillage dans les gros canaps. Lorsque le jour commence à arriver, je réalise que je suis cannée, toujours en décalage horaire, et avec Beng, nous rentrons et laissons Raph, Lucie et Lizelotte dans la boite.
Sur le départ, je réalise que la population de la boite a changé, les hommes sont plus déshabillés, plus étranges, on sent que les personnes qui continuent à danser ne sont pas juste transcendés par la musique et bizarrement, ce n'est qu'à ce moment là où j'ai le sentiment que c'est glauque.
Beng et moi sortons, nous remontons l'énorme queue d'individus qui désirent rentrer dans la boite à 7h du matin. On se fait un Macdo et nous prenons le usbanoff et on apprécie le levé du jour...

La journée de dimanche a bien été entamée lorsque nous la commençons. Nous allons dans le quartier turc (Kreuzberg) qui, de la même manière que les quartiers du 19e ou du 18e arrondissement de Paris, commencent à être des lieux « Bobos » alors que c'était des endroits populaires. On se prend un kebab, et nous allons nous poser au bord de la Spree, où il y a tout Berlin qui fait la même chose que nous. Un énorme bateau qui ne semble avoir aucune fonction excepté le fait d'avoir été recouvert de tags nous fait face. On mange nos sandwichs délicieux et je bois du « Club Maté », dérivé de la boisson argentine avec des bulles. C'est délicieux, surement surchargé de caféine, je mets sur le dos de la boisson le fait que j'arrive à survivre à mon décalage horaire. De plus, j'ai vraiment l'impression que c'est bon pour mon estomac, sachant que depuis que nous sommes arrivés en Allemagne, nous bouffons à l'allemande... D'ailleurs je pense que le plus gros choc culturel, c'est mon estomac qui l'a eu : passer du choux pimenter et la viande bien grillée aux saucisses sans goût et bien grasses... Je crois qu'il n'a pas trop apprécié, on verra ça un peu plus tard.

Notre journée continue avec Alice, amie de Raphael, qui nous amène à un « Open Air », équivalent, plus ou moins de nos rave party, version en plein centre de Berlin et en plus légal. Un terrain vague près de la Spree, est aménagé d'une scène où les DJs se succèdent, face à eux, une mini fosse remplie de gens qui bougent sur le son qui s'évapore faute de mur entre les buildings.
Un peu travaillée par la fatigue de la veille, je dis à Lucie que la seule manière que j'ai de tenir dans cette endroit, c'est un buvant une bière.
Les personnes autour de nous sont ultra-sapées, hypes dans le genre berlinois : les filles ont des visages magnifiques déformés par les piercings et/ou ont les cheveux ravagés par les coups de ciseaux ou de rasoir. Les hommes, que je trouve magnifique, portent sur eux les marques de la coolitude à l'extrème dans le genre piercing/tatouage et leurs coupes de cheveux pourraient être celle de mon cousin dans les années 80 quand il avait 8 ans. Lucie, face à mon émerveillement, me fera comprendre que c'est le fait d'avoir été entouré que d'asiatiques pendant deux mois mais que si ils ne souffraient pas de la comparaison, je réaliserais que les allemands ne sont pas vraiment beaux.
« No more beer ! », c'est la fille qui fait la queue en face de nous devant le petit stand à alcool qui gueule ça à sa copine.
Grosse frustration. On se dit que l'on va quand même se poser au bord de la Spree pour regarder l'eau. Mais indéniablement, entourées de toutes ces personnes sans une goutte d'alcool et la musique qui tape sur mon crâne peu alerte, s'en est trop. Lucie et moi se barrons.

Nous nous retrouvons perdues grâce à mes conseils. Comme nous arrivons dans un quartier dans lequel j'avais déjà mis les pieds, j'étais convaincue de pouvoir amener ma petite Lucie dans un bar que j'avais beaucoup aimé lors de mon premier voyage à Berlin. Mais de la même manière que ce nouveau voyage, le fait de n'avoir jamais regardé un carte me porte préjudice et je nous perds. Ce n'est qu'en revenant sur nos pas que je retrouve un autre bar qui était agréable. Alice, Raph et Beng nous retrouvent et on va se faire offrir des verres dans le bar de Marie, la coloc des mecs. La soirée se termine tranquillement.

Le lendemain, notre journée commence par des envies culturelles. On se dirige vers le musée d'art moderne. Chemin faisant, nous trouverons un super parc pour enfants où l'on joue un petit peu. Mais lorsque nous arrivons au musée, grosse déception : nous sommes lundi, et le musée est fermé. Nous tentons la Kinemathek (=cinémathèque), mais évidement, c'est aussi fermée. Après ces échecs, nous laissons Raphael faire ses cours de français, et nous allons à un magasin où tout est à 1€. On achète beaucoup trop de merde, mais on est heureux et on rentre à la maison pour jouer avec nos jouets. Après le KinderPark, on peut dire que nous sommes dans une grosse journée régression. Je me maquille pendant des heures, Lucie dessine, on fait des bulles de savon, et je réalise que tu peux les faire rebondir sur tes vêtements si lorsque tu les rattrapes, tu arrives à gérer la même force que la vitesse de la bulle.... et l'on gonfle des ballons en forme de cœur qui nous pètent à la gueule.
On termine notre soirée par jouer au carte, et je ne sais par quel miracle, je me retrouve à gagner 10 parties de trouducul de suite. Je suis comme touchée par la grâce du jeu et lorsque mes cartes apparaissent dans mes mains, je peux lire exactement comment je vais faire pour gagner, je sais exactement ce que les autres vont jouer. Je ne compte pas les cartes, je les connais c'est tout. C'est tellement désagréable pour mes partenaires de jeu, qu'ils ne me comptent même plus réellement comme une joueuse. Cependant, à un moment, une révolution renverse le jeu, et Raph, après avoir été trouduc' pendant toute ma période impériale, remporte une partie et je me retrouve à son niveau. L'Egalité est de nouveau là.

Mardi, nous allons, enfin, faire notre première activité culturelle à Berlin : la Kinemathek. L'endroit est assez magique, même si en ressortant, tu ne peux plus regarder un portrait de Marlene Dietrich sans te sentir un peu nauséeux tellement il y a de salles qui lui sont consacrées à l'intérieur. Mais outre le surplus de non-sourcil de Marlene, l'endroit est joliment fait et c'est agréable de déambuler à l'intérieur et se laisser plonger dans le cinéma allemand.

Lucie avait un gros fantasme depuis le début de notre séjour : découvrir l'île aux musées. Nous décidons que c'est maintenant ou jamais d'aller voir comment c'est.
Nous nous retrouvons en face de grandes façades qui semblent marquer le début du lieu, puisque l'eau contourne les bâtiments et que nous cherchions une île... Mais quelle déception ! La pluie qui commence doucement n'aide pas au lugubre tableau qui se peint devant nos yeux : les murs sont noircis par le temps, les jardins peu lumineux et tout semble fermé ou renfermé que des tapisseries poussiéreuses.
Nous partons du lieux avec deux pensées : de la déception et la certitude que Paris est la plus belle capitale européenne.

Le soir, nous sommes invités chez Alexis et Léo, deux de mes camarades des Gobelins. L'un et l'autre travaillent chez différentes boites de production sur Berlin. C'est dans la continuation de notre Licence Pro, nous avions la possibilité de travailler 6 mois en Europe rémunéré grâce à nos cotisations sociales de l'année précédente via l'ANPE. C'est Léo qui nous cuisine un risotto qui nous ouvre. Après la découverte de Berlin la Branlette avec Raphael, nous découvrons Berlin la Branlette ET Travail avec Léo et Alexis. Les deux zigotos s'amusent pendant leur temps libre et s'épanouissent dans leurs entreprises.
La soirée s'envenime. Traduction, on boit un peu trop pour un jour en semaine (rappel : les deux hôtes travaillent), Raphael nous rejoint, et je ne sais plus quelle liqueur grâce à nous disparaît du comptoir des jeunes hommes, mais mon souvenir est qu'elle ne va pas leur manquer !
Nous laissons nos délicieux hôtes passer leur nuit tranquille, et nous ratons lamentablement notre dernier métro : il part quasiment devant nous.
Nous nous retrouvons donc à prendre le bus. On retrouve Alice et une copine à elle dans un bar. Très rapidement, je déteste la copine en question, mais j'adore le bar parce qu'il y a un babyfoot. Je me bats comme une acharnée, et on finit par se faire exploser le crâne par des allemands car ils sont vraiment trop fort à ce sport. Je commence à être très fatiguée... Peut être est-ce les premiers symptômes de mon décalage horaire, ou uniquement l'accumulation du peu de sommeil mais en gros je m'endors dans les transports.
Raphael, pendant ce temps tape la discussion à une jolie fille dans le métro, et Lucie s'écarte parce que mon ronflement n'est pas vraiment assumable pour quelqu'un d'éveillé. Après quelques ralentissements, la petite Lucie a le droit d'assister au presque premier rang à la vision suivante : le train s'arrête un peu plus brusquement et ma tête ballotée par les doux mouvements des transports se précipite sur le sol du métro. Je me réveille à peine et gémie un petit « aie ».
Le lendemain, c'est la bosse au milieu de mon front qui me rappellera le chemin du retour.

Pour notre dernier jour, nous passons une journée agréablement touristique et allemande. Nous commençons par un déjeuner de curry wurst et maté pour moi. Les autres sont à l'Affricola. Raph nous lâche pour apprendre le français à un petit allemand. Et Beng devient notre guide pendant une après midi. On découvre les différents endroits un peu plus riches puis un peu plus culturels de Berlin. On passe devant des endroits que j'ai connu, que Lucie a connu, Beng nous raconte les lieux et comment il les a marqué. Nous allons voir les galeries privées et on aime pas trop les oeuvres en général mais comme on les critique à voix haute et en français, étrangement on est assez franc mais le ton de la voix pourrait passer pour un une critique cool...
On se balade également dans les jardins privatifs et au final on obtient notre Saint Graal, tant recherché, la glace !!! Les parfums proposés font rêver et je ne sais pas quelle idée me fait prendre le chocolat poivré, mais je crois être la seule à ne pas pouvoir finir ma glace.

Nous rentrons ensuite à l'appart et préparons notre dernière soirée sur Berlin. La soirée était agréable jusqu'à un certain point pour ma personne, et suite à ça je ne remercierai que Raphael pour la diplomatie dont il a fait preuve pour un moment où je me sentais pas forcement bien.
Pour résumer, quelques verres chez les affreux jojos se sont transformés en gros apéritifs, et Léo s'est retrouvé avec son nom sur les murs de Berlin et quelques heures de retard au travail, Raphael avec un bonne de gueule de bois, Lucie avec une angine et moi à nettoyer la salle de bain pour des reflux involontaires...

Lorsque nous imprimons nos billets d'avion, Raphael a raté le sien (le billet date de la veille). Il tente cependant de négocier et de passer toutes les barrières mais se fait rattraper au dernier moment. Lucie s'endort cannée par la maladie avant le décollage, et je flippe pendant une heure que l'avion en carton qui sert à Easy Jet de transport nous amène à Paris. Nous arrivons à Orly, et je kiffe d'être de nouveau à Paris.